Que veulent les Israéliens ?
Il est quand même ahurissant et étonnant que le peuple qui jouit d'une renommée mondiale dans tous les secteurs tels que les arts, les sciences, la philosophie, la philanthropie, les finances, les médias et davantage, c’est-à-dire le peuple juif, aient malheureusement abdiqué ses idéaux authentiques juifs et sa fameuse indépendance intellectuelle aux mains de politiciens extrémistes, et des intégristes religieux. De plus, il soutient presque aveuglement et sans questions un état qui se proclame comme étant « la seule démocratie au Moyen-Orient » tout en étant au premier rang quant aux abus des droits de la personne, comme beaucoup d’états arabes voisins, mais avec un semblant de légalité.
Un effort considérable en matière de temps, d’assiduité, d’argent et de créativité intellectuelle est consacré par les gouvernements, les organisations et les centres de recherche pour perpétuer la mémoire de toutes les tragédies subies par le peuple juif au cours de son histoire. Le même zèle est déployé pour rechercher un soupçon de terrorisme dans tout ce qui est arabe ou musulman. Si la moitié de cet effort avait été consacrée à trouver une accommodation entre les Israéliens et leurs voisins palestiniens, un arrangement acceptable entre les deux nations aurait pu être trouvé il y a bien longtemps.
La responsabilité de faire le premier pas revient essentiellement aux Israéliens, car ils sont les occupants. Quant aux Palestiniens, ils doivent agir comme un partenaire à part entière. Bien que cela soit pénible pour eux, et malgré toutes leurs souffrances, les Palestiniens en Cisjordanie, à Gaza et partout dans le monde doivent œuvrer et persévérer pour renforcer leur ténacité, tant interne qu’externe, afin de ne pas rater l’occasion de trouver un accommodement réciproque avec leur adversaire avant que la possibilité d’une paix éventuelle ne disparaisse à jamais.
Toute « offre généreuse » faite par Israël au Palestiniens et « rejetée par le leader défunt Yasser Arafat », comme ne cesse de le répéter, l’ancien Premier ministre israélien, le général Ehud Barak, n’est que palabre et ne dépasse pas les expressions publicitaires choc inventées de temps à autre et incrustées dans la tête du public comme étant une vérité absolue. Barak ne fait que répéter ce mantra qui ressemble au dicton de « terre sans peuple pour un peuple sans terre », et tout le monde le répète après lui comme un perroquet. On sait fort bien que ce n’est pas vrai, et que si la situation avait été renversée, il aurait été le premier à refuser cette offre « généreuse ».
Les croyants juifs ont déjà réalisé le rassemblement tant rêvé de leur histoire, qui a aussi mis entre leurs mains non seulement les lieux saints juifs, mais aussi ceux des chrétiens et des musulmans. La politique suivie du gouvernement d’Israël, parlant au nom des Juifs du monde entier de soustraire progressivement plus de terres aux Palestiniens pour construire des colonies ou d’autres prétextes, ne constitue qu’une convoitise institutionnalisée. Heureusement, tous les Juifs en Israël et partout ailleurs ne soutiennent pas ce genre de pratique.
Dans son livre publié en 2009 et intitulé « Un État, deux États: résoudre le conflit entre Israël et la Palestine » à propos des différentes idées flottantes concernant d’éventuelles solutions futures à la question palestinienne, l’écrivain Benny Morris cite à contrecœur des passages d’un article intitulé « Israël : l’alternative », publié par l’écrivain Tony Judt « lui-même un Juif de la Shoah », en 2003 dans la « New York Review of Books », disant que « les Juifs qui ne sont pas citoyens d’Israël se sentent exposés à la critique et se trouvent vulnérables pour des choses qu’ils n’ont pas commises (Benny Morris explique que Judt désigne le comportement d’Israël dans les Territoires occupés). Mais aujourd’hui c’est un état juif et non un état chrétien qui les tient en otages par ses actions. Et Judt ajoute que « la vérité déprimante est qu’aujourd’hui Israël est mauvais pour les Juifs ».37
Benny Morris indique qu’il « est clair aujourd’hui qu’aucun leader israélien ne va initier un retrait de la Cisjordanie, soit unilatéralement, soit en accord avec les Palestiniens, avant que Tsahal n’acquiert les moyens techniques nécessaires pour protéger ses centres peuplés des attaques par missiles à courte portée (c'est-à-dire celles lancées à partir de Gaza). Mais ceci n’est qu’une échappatoire, la vraie raison étant qu’ils ne veulent pas laisser la terre s’échapper d’entre leurs mains. Selon Benny Morris, « une majorité des Israéliens continue de soutenir un retrait de la Cisjordanie dans le contexte d’un accord de paix avec les Palestiniens ». Néanmoins Morris explique sa phrase en disant qu’il « n’est pas clair si la majorité des Israéliens soutiendrait un accord stipulant un retrait israélien de toute la ville de Jérusalem ou même d’une partie de la ville sans un accord de paix complet et définitif ». Se basant sur les résultats de sondages d’opinion, Morris conclut que «les sondages pris pendant des décennies ont constamment indiqué que la majorité écrasante des Israéliens soutient une partition et un règlement du conflit sur la base de deux états »38.
Aujourd’hui on s’en fiche de part et d’autre. Dans certains cas, les soldats israéliens exécutent les ordres qu’on leur donne sans penser ; dans d'autres cas les soldats, leurs officiers, et même leurs commandants supérieurs eux-mêmes sont issus de familles fondamentalistes religieuses, ou appartiennent à des groupes politiques extrémistes et sont tous convaincus de la justesse de leurs actions.
D’autre part, les Palestiniens pensent n’avoir rien à perdre en mourant que leurs chaînes, et pour eux le fait de conserver leur ténacité et leur résistance armée envers l’occupant est tout ce qui leur reste pour être fiers dans les circonstances. Leur situation ressemble à celle de la Résistance française contre l’occupation nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale. Leur résistance ne s'est pas traduite par un résultat décisif sur le champ de bataille, mais la population ne peut simplement se croiser les bras et permettre à l’ennemi de les écraser. La résistance juive à Varsovie contre les Nazis, qui avaient construit eux aussi un mur de séparation autour du ghetto, constitue un autre exemple dans le même sillage. Les fusées lancées contre les colonies israéliennes peuvent offrir à ceux qui les lancent une satisfaction psychologique, mais n’oublions pas qu’elles donnent aux Israéliens ce qu’ils auraient payé à prix d’or, avoir une justification pour leurs représailles brutales au nom de l’auto-défense. Le monde accepte cet argument !
Selon le dicton : qui veut la fin prend les moyens ! Mais il faut tout d’abord vouloir. Or aujourd’hui, la volonté manque à l’appel, et chaque fois que des moyens apparaissent, ils sont contournés, ignorés ou assassinés. Les extrémistes israéliens, ainsi qu’AIPAC les « faiseurs de rois », qui se considèrent comme les véritables ou uniques parties concernées, ne se sont jamais intéressés à une solution qui ne leur donne pas toute la Palestine exempte de tout Palestinien qui respire. S’ils avaient pu les éradiquer (le terme précis allemand pour décrire cette annihilation est Vernichtung), ou au moins les repousser au-delà des frontières vers la Jordanie, le Liban, la Syrie, ou l’Égypte, ou bien de les chasser vers des terres lointaines, ils l’auraient fait il y a bien longtemps.
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